Les oiseaux

 La plus importante colonie de fous masqués au monde ! "(1) 

La faune ornithologique de l'atoll est connue depuis longtemps pour être extrêmement abondante en espèces océaniques. Les Sulidés, ou Fous, dominent largement mais leur population a considérablement variée au courant des 100 voire 150 dernières années. Les seules observations antérieures à 1958 concernant les oiseaux remontent à 1901 où un naturaliste, R.H. Beck, signale quelques milliers de fous de type Sula dactylatra ou fous masqués. En 1958, l'ornithologue Kenneth Stager, lors de l'expédition américaine Doldrums à laquelle s'était jointe la française Marie-Hélène Sachet, nota une "faible population de Sulidés", "de moins d'un millier d'individus", mais avec une prédominance nette des Fous à ventre blanc qui ont été les plus nombreux jusque dans les années 1980. (K. STAGER, 1964). Aujourdhui, avec plus de de 100.000 individus les Fous masqués constituent la plus importante population d'oiseaux de l'île. Pour les migrateurs, l'île de la Passion est un point de halte et/ou un lieu de nidification unique dans cette immensité océanique.

Un bouleversement démographique auquel le crabe n'est pas étranger :

Plusieurs facteurs peuvent expliquer la domination de Sula dactylatra :

la disparition de la végétation du fait des crabes a favorisé les espèces nidifiant au sol.
les fous à ventre blanc nidifient aussi au sol, mais plus sur le Rocher. 
c'est le comportement différent des deux espèces qui peut expliquer l'inversion démographique des vingt dernières années entre ces deux Sulidés (tableau). 
la plus grande agressivité ou plutôt, l'attitude plus défensive du fou masqué face à un intrus tel que le crabe, tandis que le fou brun, plus farouche s'enfuit plus facilement, est un facteur explicatif d'un plus grand nombre d'oeufs et de juvéniles de fous masqués arrivant à terme à l'âge adulte. 
des habitudes alimentaires un peu différentes entre les deux espèces, telle qu'une pêche moins au large peuvent aussi contribuer à expliquer ces différences (le fou masqué peut être obligé aujourd'hui d'aller jusqu'à 300km de la côte pour chercher sa nourriture en raison de la surpêche pratiquée dans la zone). 


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Nidification des Fous masqués à même le sol

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Lutte efficace contre les prédateurs : A l'approche d'un intrus, les fous masqués défendent leur progéniture et ne quitte pratiquement pas leur nid

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Tandis que les fous à ventre blancs, plus farouches s'envolent et abandonnent souvent leurs oeufs

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Conséquence : Une explosion démographique des fous masqués et une réduction de la population des fous à ventre blanc

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Les sternes fuligineuses, espèce migratrice évaluée à 600 individus en novembre 1997, étaient absentes en février 2001. On les a trouvées exclusivement sur les îlots de la Pince, deux parmi les cinq encore enherbés et exempts de crabes. Pourtant en 2001, sur un de ces îlots, quelques specimens de gecarcinadae

étaient présents et, déjà, une large plage de sol était à nu. Une seule sterne blanche (Gygis) a été observée en 1997 près du Rocher et en 2001 dans les cocotiers du Bois de Bougainville.


Tableau: Evolution de la faune ornithologique (en nb d’oiseaux) (C.Jost, 2003)

Tableau Evolution

n.o. = non observé, à aucun moment par aucun des observateurs sur terrain (env. 50 pers. en 2001 sur 3j., 10 pers. en 1997 sur 3j.) 
n.m. = non mentionné
* en nombre d'individus (des chiffres de 55 000 parfois publiés étaient relatifs aux individus au sol, auxquels il faut rajouter le partenaire du couple, généralement en mer en quête de nourriture)
** chiffres peu fiables du fait de la méthode de comptage; chiffres probablement voisins des 20.000 individus (communication R. Pitman)


Méthode : même si les chiffres fournis par Stager sont approximatifs comme ceux de 1997 et 2001, voire incomplets puisque la durée d'observation a été très courte par rapport aux Missions Bougainville de 1967 à 1969, l'augmentation de la population d'ensemble est indéniable, les proportions moins certaines.

En 1997 et 2001, les durées d'observations n'ont été que de trois jours avec plusieurs observateurs, mais le comptage n'a pas pu être exhaustif. Le comptage a été réalisé de jour en fin de période de nidification (février), dans des quadrats de 10m, de 50m et/ou de 100m de côté. Le nombre trouvé a été étendu aux quadrats voisins de densité identique d'oiseaux, puis multiplié, après un parcours et un repérage systématique sur l'ensemble de la couronne et des îlots. En 2001, une vérification et recomptage a été réalisé au sol et à partir de clichés photographiques aériens couvrant l'ensemble de la couronne. Une autre vérification de la densité des nids, quoique à une période différente de l'année, a pu être réalisée dans certains secteurs à partir d'une image du satellite IKONOS du 07 juillet 2001 (voir image sur laquelle les points blancs correspondent aux nids : graviers de corail à patine sombre dérangés par l'oiseau laissant apparaître le corail blanc sous-jacent, plus, accumulation de guano blanc). En 1997, les îles aux Oeufs n'ont pu être visitées ce qui explique certainement l'absence de Foulques car la cinquantaine d'individus observés en 2001 ne l'a été que dans ce secteur.

(1) PITMAN R.L. 1998


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