Une évolution en cycles
La couverture herbacée qui avait entièrement disparu de la couronne au tournant des années 2000 (voir missions 1997, 2001), se développe à nouveau ! En 2005, les scientifiques français de la mission Etienne relève des tapis de liserons (Ipomea) près du bois de Bougainville et à quelques autres endroits. Fin 2011, début 2012, Eric Chevreuil, français installé en Californie qui se rend à Clipperton à bord d'un chalutier mexicain, rapporte une moisson d'images montrant un développement assez important du tapis herbacé en plusieurs endroits de la couronne. (voir carte provisoire de la Végétation 2012 de Eric Chevreuil)
Dans le même temps la population des crabes a considérablement diminué. Or ceux-ci, évalués à 11 millions d'individus en 1968, se nourrissaient notamment des plantes accessibles (herbes, cocos au sol), mais aussi oeufs d'oiseaux) jusqu'à limiter la végétation herbacée aux seuls îlots du lagon qu'ils ne peuvent atteindre. Ils en sont même réduits à se nourrir des herbes aquatiques et des algues dans le lagon (voir page crabes). A notre avis, la réduction de la population des crabes semble plus correspondre, comme pour toute population, à un cycle démographique naturel, qu'à une réduction lié au développement de la population de rats, celle-ci étant encore trop faible. Le nombre de crabes a simplement dépassé un seuil au-delà duquel la quantité disponible de ressource alimentaire est devenu insuffisante. C'est ce qu'on appelle la capacité de charge d'un milieu ou d'un écosystème ou, en anglais, la "carrying capacity".
Développement puis régression de la végétation de 1897 à 1997
En 1711
, 1825 et probablement 1839 (Belcher note une absence d'arbre mais "le nord de l'île semble couvert par quelque chose comme de l'herbe, le lagon présentant ouvertures, voir carte) l'île avait une couverture de végétation herbeuse et/ou suffrutescente.
En 1858, la végétation avait disparu (Le Coat de Kerveguen note des milliers de crabes et un lagon fermé et salé) et n'existait toujours pas en 1893, 1897 (anonymes), 1898 (photo de Wharton ) et 1902 (Snodgrass) 1911 (photo Mexico).
En 1944, un bosquet de cocotiers, aujourd'hui disparu, près du Rocher (Taylor P.G., 1948).
En 1944, un tapis herbacé continu (Taylor P.G., 1948)
En 1897, les Mexicains introduisent les deux premiers plants de cocotiers et... des porcs, qui se sont multipliés et ont survécu après le départ des "Oubliés" en 1917 et étaient une cinquantaine dans les années 1950. Toutefois, en 1905, une visite de la Schooner Academy (California), fait état d'un seul cocotier; Slevin écrit : "We found Clipperton to be a real coral atoll without a sign of vegetation with the exception of a lone coconut palm growing by the house of the keepers and bearing about 20 nuts".
En 1935, l'île est verdoyante et les cocotiers se sont eux aussi multipliés à une quarantaine dont tout une touffe, aujourd'hui disparu, près du Rocher et un autre devenu le Bois Bougainville. M.H. Sachet note : "En 1935 la végétation basse avait reconquis l'île et s'est maintenue jusqu'à ce jour (1958) "
En 1958, Marie-Hélène Sachet réalisa une étude très détaillée de Clipperton et dressa une carte de l'île montrant un important recouvrement végétal de la couronne (SACHET M.H, 1962). Constituée essentiellement d'espèces herbacées, de Convolvulaceae (liserons) et de Cyperaceae (herbes) et même de quelques arbustes de type filao, la végétation recouvrait une bonne partie de la couronne surtout au sud et à l'ouest où le taux de recouvrement avoisinait les 80%.
En 1968 les relevés des missions Bougainville montrent une réduction du couvert herbacé tant en extension u'en nombre d'espèces qui se limitent pratiquement à Ipomea pes caprae en bordure du lagon. Le bois de cocotiers, où le camp Bougainville fut établi, était par contre bien fourni avec déjà 150 individus sur un total de 590 cocotiers. Plusieurs espèces arborées, notamment fruitières, et des légumes divers ont été introduits et plantés durant cette période et se sont développés pendant les mois de présence et de soins grâce au sol importé et aux enclos grillagés les protégeant de la faune de l'île.
En 1980, la mission Cousteau ne signale plus que quelques lambeaux ou plages éparses de liseron au nord et "des cocotiers en régression" limités à des bosquets à l'est de la couronne et au bord de la Baie de la Pince. Des cocotiers sont introduits et transplantés à intervalle régulier sur toute la couronne sud du camp Bougainville au Rocher ainsi que quelques-uns uns au nord, mais ils avaient presque tous disparu lors de la visite de la « Jeanne d'Arc » en décembre 1982.
En 1997, lors de notre première visite, nous découvrons un désert, c'est-à-dire une couronne sans aucune autre espèce végétale que les cocotiers. Seuls six petits îlots du lagon sont encore couverts d'une végétation herbacée.
En 2001, la mission "Passion 2001" fait état d'une demi-douzaine d'espèces herbacées n'existant que sur six petits îlots. Y dominent des cyperaceae, des scrophulariaceae avec un peu de liseron de type Ipomea littoralis, mais pas d'Ipomea pes caprae. Il s'agit des deux îles aux Oeufs, d'un petit îlot à l'ouest, des deux îlots de la Pince et de l'îlot du Crochet. Un recensement exhaustif des cocotiers a été réalisé avec l'aide des équipages de la M.N.. Les cocotiers sont au nombre de 674 (revoir le détail).
Les causes de la désertification