Gecarcinus planatus Stimpson est le vrai roi de Clipperton ! Mais sa population est aujourd'hui en nette diminution.
Les crabes ont été évalués à onze millions d'individus en 1967 (EHRHARDT J.P., 1968) sur, rappelons-le à peine 170 hectares , soit une densité moyenne de 6,5 individus au mètre carré et encore ne sont-ils pas répartis uniformément ! Sans plus aucun prédateur, la population des Gecarcinadae a certainement augmenté, mais elle restera limitée, comme toute population, par les réserves de nourriture et par les lois de l'équilibre démographique. Espèce cousine des tupas de Polynésie, Gecarcinus planatus Stimpson n'existe cependant qu'en trois points du Paciifque oriental : à Clipperton, sur l'île Malpelo au large de la Colombie et dans l'archipel des Revillagigedo, notamment sur l'île Socorro, 900 km au nord de Clipperton (voir aussi Revillagigedo §5).
Prédateur redoutable qui mange tout ce qu'il trouve, il est aussi un remarquable nettoyeur. Herbivore, devenu omnivore à force de désertifier l'atoll, ce crabe terrestre s'attaque aux oeufs et aux poussins des fous qui nichent à même le sol (photo). Leur xérophobie les contraint à s'abriter du soleil dans les anfractuosités et sous les rebords de croûtes détritiques en bord de lagon où, empilés les uns sur les autres, ils peuvent dépasser les 50 individus au mètre carré. Dès le coucher du soleil ils sortent de leurs abris et envahissent la couronne par millions se dirigeant vers les fous qui se regroupent alors en colonie comme pour défendre leurs petits. Ils s'attaquent aussi aux jeunes pousses de cocotiers et aux noix de coco délaissant toutefois le bois de cocotiers de Bougainville. En l'absence de végétation herbacée sur la couronne, bien que ne supportant pas l'eau plus de dix minutes sans périr, ils sont aujourd'hui contraints de se nourrir des algues et phanérogames flottant sur le lagon. Ils montrent en effet une certaine capacité à être temporairement immergés, à se laisser portés par les amas d'herbes flottantes ou à les attraper avec leurs pinces à partir des bords du lagon. Leur écologie et leur comportement sont bien décrits dans les travaux d'EHRHARDT et dans la remarquable synthèse publiée par Pierre-Marie NIAUSSAT (NIAUSSAT P.-M., 1986).
Les crabes de Clipperton sont aussi décrits comme non comestibles, car à la chair toxique ou, à tout le moins, contenant une toxine légère qui rend malade. Les "oubliés mexicains" ne purent ainsi le consommer pour survivre.
Une population de crabes dépendante des mammifères introduits par l'homme
En deux étapes, 1958, puis en 1968, l'élimination des porcs introduits en 1897 fut aussi l'élimination du seul prédateur du crabe "opérant" en l'absence de l'homme. Le porc mangeait en effet du crabe, comme en attestent les carcasses de crabe retrouvés dans leurs déjections, et fertilisait le sol (voir aussi Evolution de lavégétation). En l'absence de comptage avant 1967, il est impossible de s'avancer sur des chiffres de population avant cette année-là, mais à la lecture des écrits attestant de plus en plus fréquemment de la gêne occasionnée par les crabes, il semble que la population se soit accrue dans un telle proportion que la végétation ne résista pas à leur voracité. Toutefois, un seuil démographique peut être atteint et la population se mettre à décliner selon un processus naturel d'équilibre biologique. Les autres espèces, tels que les rats ou les fous, peuvent aussi contribuer pour partie à limiter la prolifération des crabes.
Les observations faites en 2005 semblent d'ailleurs aller dans ce sens, les scientifiques mexicains, qui ont pu comparer avec 1997, parlent d'une diminution sensible de la population des crabes et surtout d'une bien moins grande agressivité.
Certains scientifiques de la mission Etienne avancent que les rats, dénombrés à plus de 150 et qui ont donc proliférés depuis 1997 où seul un individu a été observé, pourraient être responsables de la diminution du nombre de crabes dont ils trouvèrent des éléments de carcasse dans les déjections.
A notre avis, la réduction de la population des crabes semble plus correspondre, comme pour toute population, à un cycle démographique naturel, qu'à une réduction lié au développement de la population de rats, celle-ci étant encore trop faible. Le nombre de crabes a simplement dépassé un seuil au-delà duquel la quantité disponible de ressource alimentaire est devenu insuffisante.
C'est ce qu'on appelle la capacité de charge d'un milieu ou d'un écosystème ou, en anglais, la "carrying capacity". Cette diminution des crabes explique en tout cas le retour de la végétation herbacée notamment près du Bois Bougainville et à la Pointe du Pouce (voir page Evolution de l'écosystème).