Desertification

Un retour à l'état désertique (connu du XIXe siècle) après le départ de l'homme et ... du cochon ! et, ces dernières années, une reconquête progressive !

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Pour expliquer la désertification de l'île entre 1958 et 1997, on pourrait a priori penser aux effets dévastateurs des cyclones et des tempêtes tropicales fréquents dans la région et aux vagues de tempête qui franchissent occasionnellement la couronne à certains endroits. Mais ceux-ci ont affecté l'île de tous temps et la végétation y a bien résisté avant les années 1950. Cependant il existe des périodes de sécheresse durant lesquelles la végétation souffre. Si ces périodes coïncident avec des tempêtes et des franchissements de la couronne par les vagues, la végétation ne peut plus se reconstituer par après. M.H. Sachet évoque cette cause ainsi que la prolifération des crabes.

La dégradation pourrait aussi être mise sur le compte des occupations sauvages par l'homme. Cependant, si celles-ci contribuent à réduire quelque peu le nombre de cocotiers par des coupes, elles ne sont pas suffisamment fréquentes ni étendues à toute la couronne pour expliquer la disparition complète de la végétation au sol. La végétation herbacée peut être détruite par piétinement près des points de débarquement et des abris, naturels comme le Rocher, ou construits comme la cabane. Cela ne suffit pas à expliquer l'intensité et la généralisation du processus de désertification. Par ailleurs, les occupations de longue durée ont plutôt introduit et planté des espèces végétales.

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En 1897 sont introduits des porcs qui sont restés sur l'île et se sont même multipliés après le départ des Mexicains en 1917. Ils étaient une cinquantaine environ dans les années 1950. En 1958, les ornithologues de la Scripps' Institution, constatant que ces porcs, espèce allochtone, perturbaient la démographie aviaire en mangeant les oeufs des oiseaux, décidèrent de les abattre pour que l'écosystème retourne à son état originel. Quelques-uns réussirent à échapper au massacre et le troupeau se reconstitua en partie jusqu'en 1967, année durant laquelle il fut alors définitivement éliminé lors des campagnes Bougainville. Or les porcs mangeaient aussi les crabes, comme en attestaient les carcasses de crabes retrouvées dans leurs excréments, ce qui contribuait à limiter leur population. D'autre part, les déjections des porcs fertilisaient le sol corallien et favorisaient le développement de la végétation. Le guano joue aussi ce rôle, mais sa nature chimique et les quantités délivrées sont plus un frein qu'un facilitateur du développement végétal.

Par ailleurs il faut noter l'explosion démographique des oiseaux dont les seul fous masqués sont plus de 110 000 aujourd'hui (la plus grande colonie au monde ! ) et dont les déjections acides et la nidification au sol ne sont pas des facteurs favorables au développement d'une végétation herbacée et inversement. On note en effet que les oiseaux ne nichent pas sur les taches de liserons, mais directement sur le substrat corallien.

La disparition de la végétation herbacée de la couronne est le fait des crabes et des oiseaux

L'impact des crabes s'est confirmé par les observations faites en 1997 et 2001. Six petits îlots étaient encore verdoyants en 1997. Les deux îlots de la Pince Nord, situés à quelques mètres de la rive de la couronne, étaient totalement végétalisés en novembre 1997 et aucun crabe n'y était visible. Quelque deux cent sternes fuligineuses y étaient en nidification. Mais en février 2001, un des îlots présentait la moitié de sa surface à nu et plusieurs crabes y furent observés. Aucune sterne, oiseau migrateur, n'était présente en cette période. Ainsi en à peine plus de trois ans, les crabes ont pu envahir un îlot, jusque là épargné, et éliminer la végétation.

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Clipperton est donc un des rares cas d'écosystème insulaire ayant bénéficié indirectement d'un impact positif de la présence de l'homme. 

 

Une solution pour faire revivre Clipperton ? 

Ne conviendrait-il pas d'envisager la réintroduction d'espèces végétales ayant existé sur l'île ? Par ailleurs, la réintroduction d'un animal comme le porc limiterait certes à nouveau la population des Gecarcinadae, mais aurait de telles conséquences sur la faune aviaire qu'il vaudrait mieux envisager une régulation par voie naturelle et/ou une mise en défens contre les crabes d'une partie de l'île, l'autre partie étant laissée pour l'étude d'un écosystème "naturel" laissé à son sort. (voir aussi projets actuels)

 

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