La pêche

Une zone de ressources halieutiques parmi les plus riches au monde, mais une ZEE pillée par les compagnies étrangères !

Les ressources marines de la zone économique des 200 milles sont très riches

Clipperton se trouve au cœur d'une des régions les plus poissonneuses du monde, notamment en thonidés, région qui s'étend des côtes du Pérou au Golfe de Californie et s'étire vers les Hawaii. La zone de Clipperton en effet se situe au croisement des migrations des poissons des grands pélagiques le long ducorridor CMAR entre les Galapagos, les îles Cocos et lîle Malpelo au sud et l'archipel des Revillagigedo au nord.


La pêche du thon est la principale activité de la zone, mais elle est pratiquée uniquement sans autorisation par des navires étrangers

LTT

La frégate ASM française Latouche Tréville

En 1969 déjà, la FAO (Rome) estimait que 25 000 tonnes de thon avaient été capturés autour de Clipperton (croisement du 10° Lat. nord et des 110° - 12° Long. ouest. "La présence de thoniers américains, mexicains et japonais est évidente en certaines saisons" (Niaussat, 1976). « Il se pêche actuellement entre 3 000 et 20 000 tonnes de thons par an dans la seule zone de Clipperton, mais uniquement par des bateaux étrangers » (Goujon, 1988). 10 navires usines et plusieur petites unités de pêche ont été observés en activité dans la ZEE de Clipperton entre décembre 2004 et mars 2005 par l'équipe Jean-Louis Etienne. A chacune des missions effectuées à Clipperton et à chaque visite des navires de la Marine nationale, des navires de pêche battant pavillon mexicain, costa-ricain, guatémaltèque, voire nord-américain ou encore chinois, coréen, sont signalés et enregistrés. Lors de la mission Passion 2001 ce ne sont pas moins de trois navires qui ont été interceptés en trois jours dans les eaux de Clipperton et pour la première fois « visités  ». Le Lokan (26/02/01), un palangrier costa-ricain, partait en campagne avec une carte de sa zone de pêche centrée sur Clipperton ! A chacune des récentes visites en fév-mars 2013 (Mission Passion 2013), mars 2015 (Mission Passion 2015), fév et avril 2016 (Mission Passion 2016), les scientifiques et/ou la Marine nationale française ont observé, voire interpelé, au moins un senneur mexicain en activité au plus près de la côte en pleines eaux territoriales françaises. Les rapports sont multiples et les photographies nombreuses d'observations sur site. Mais depuis quelques années le suivi satellite permet aux autorités militaires françaises d'avoir un image très précise de chaque bateau qui pénètre dans les eaux françaises et elles effectuent un suivi en temps réel.

On peut estimer à plus de 50 000 tonnes les prises annuelles actuelles par des unités étrangères dans la ZEE de Clipperton.


Bateaupirate

Le palangrier costa-ricain Yorlenny II visitéen 2001 par la Marine française (LTT)

Pour évaluer le manque à gagner de la France en termes de redevances de pêche, on peut appliquer les tarifs pratiqués en Polynésie française (accords de pêche franco-coréens), à savoir un montant de 0,42 € par kilogramme de poisson pêché. Multiplié par les 50 000 tonnes que l'on peut estimer annuellement prélevées, le montant des redevances que pourrait percevoir la France, si une surveillance de la ZEE de Clipperton était mise en place et des accords de pêche établis, pourrait être de plus de 21 millions d'euros par an  ! Ce montant n’est pas négligeable, surtout si on le compare aux 1,2 million d’euros perçus pour les 3 000 tonnes de thons pêchés annuellement dans la zone économique de Polynésie française par une soixantaine de navires coréens avant la fin des accords de pêche en 2007 (depuis2007 la Polyénsie française interdit toute pêche étrangère dans sa ZEE)

  Les accords France - Mexique de 2007 : Le 27 mars 2007 ont été signés des accords de pêche entre la France et le Mexique pour dix ans. Ces accords prévoient que toute navire de pêche mexicaine peut faire une demande d'autorisation de pêche à la France et peut se voir se voir octroyer cette autorisation de pêche dans la Zone marine de Clipperton sans redevance à payer . En contrepartie de ces autorisations accordées gratuitement, le Mexique s'engage à donner des bourses d'étude à des étudiants frrançais faisant la demande pour étudier au Mexique. Ces accords ne stipulent toutefois pas les quantités de poissons autorisées et et ne demandent à la compagnie mexicaine qu'une déclaration annuelle de ses prises. En 2016, il y a 48 navires mexicains autorisés à pêcher dans la zone marine de Clipperton. Ces navires, essentiellement des senneurs de capacité d'emport supérieur à 1000 tonnes comme ceux de la compagnie Pescas Aztecas très présente à Clipperton, profitent de ces accords non contraignants pour pêcher souvent au plus près de la côte, là où la concentration des poissons est plus importante et pour déclarer ce qu'ils veulent. Ainsi en 2013 fut déclaré environ 4000 tonnes pêchés sur l'année (sic), en 2013, 4000 tonnes, et en 2014, 1400 tonnes ce qui correspond à une campagne de pêche d'un seul senneur !. En dix ans seule une bourse d'étude a été accordé par le Mexique à un étudiant français. Les observateurs français et étrangers des senneurs mexicains en activité sur zone relèvent et dénoncent un comportement de plus en plus "souverain" de ces bâtiments : à chaque mission un senneur est présent; ils ne répondent jamais aux demandes radio d'identification; leur balise est souvent désactivée; ils envoient systématiquement leur hélicoptère survoler les arrivants sur l'île que ceux-ci soient civils scientifiques ou militaires. De récentes observations en février 2016 font même état avec photo d'un débarquement sur l'île d'hommes en provenance d'un senneur, et ce en toute illégalité puisque tout débarquement nécessite une autorisation française; des gestes menaçants des occupants de l'hélicoptère du senneur ont même été signalés.

ComOps

Mais il n'y a pas que les thons qui sont pêchés dans la zone. L'absence de langoustes constatée par les plongeurs lors des deux expéditions de novembre 1997 et de février 2001, alors qu'elles étaient signalées par milliers dans les années 1960, de même que la rareté des requins observés, comparé aux descriptions anciennes laissent penser que ces types de pêches sont les plus pratiquées au voisinage immédiat de l'île et sur le tombant récifal. 

Les observations sous-marines, par sous-marin et plongées multiples sur dix jours, réalisées par l'expédition du National Geographic - Pristine Seas en mars 2016, ont montré la présence de quatre espèces de requins, mais tous étaient des juvéniles. Aucun adulte n'était présent : première observation de requins marteaux ( Sphyrna lewini , hammerhead shark) depuis 15 ans, requin soyeux ( Carcharhinus falciformis, silky shark) , requin des Galápagos ( Carcharhinus galapagensis) , requin pointe blanche (Carcharhinus albimarginatus, silver tip shark) les plus abondants mais de taille moyenne de moins d'un mètre, quelques dauphins (Tursiops truncatus et Coryphaena hippurus), thon albacore (Thunnus albacares ) et de très nombreuses murènes

 La position de Clipperton a permis à la France, en 1973, d'adhérer à l'Inter American Tropical Tuna Commission(I.A.T.T.C.). La France participe activement aux travaux de l'I.A.T.T.C., tant au sein de ses structures permanentes à La Jolla (Californie, Etats-Unis d'Amérique) que lors des conférences techniques annuelles. La France est totalement absente des statistiques de pêche annuellement publiées par l'IATTC, alors que l'Espagne envoie ses navires de pêche dans le Pacifique oriental. Ceux-ci ont ainsi pris 39 600 tonnes de thons en l'an 2000 sur un total de prises de 557 000 tonnes prélevées dans la région (IATCC, 2000).

 Depuis le 25 août 2005, la ZEE de Clipperton a été mise en exploitation par la France. L'exploitation reste subordonnée à l'accord des autorités françaises et notamment de l'Administrateur délégué de Clipperton, c'est-à-dire le Haut-commissaire de la République en Polynésie française qui gère les demandes d'autorisations (des navires sous pavillon français) et les licences payantes (des navires étrangers) afin d'assurer un développement raisonné de la pêche dans ce secteur. Des zones de pêche permettant la cohabitation respective des palangriers (à partir de 4 nq) et des senneurs (au delà de 12 nq) ont été déterminées.

CarteIATTC

Distribution des prises de thon dans le Pacifique pour la période 1990-1998 (vert = Listao ; 
Bleu = Albacore ; Jaune = thon obèse ; Rouge = Germon)(Source : IATTC)


Zone de la pêche thonière du Pacifique nord-oriental

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