Le lagon

Un lagon fermé et profond, en train de mourir

Le lagon s'étend sur 7,2km². Ouvert à l'origine par deux passes au NE et au SE, le lagon s'est fermé entre 1839 , date de la carte de Sir Edward Belcher (carte), et 1858 année de prise de possession de l'île par la France par le Lieutenant de vaisseau Le Coat de Kerveguen (carte 1). En 1858 le Coat de Kerveguen parle encore d'une lagune salée alors que trois ans plus tard en 1861, le Lieutenant américain Griswold constate que l'eau du lagon est douce et potable. En trois ans seulement la salinité fleche790 de l'eau de surface avait très fortement décrue en raison, comme le signale P.M. NIAUSSAT, des importantes précipitations, estimées entre 3000 mm et 5000 mm/an, supérieures à l'évaporation. Depuis lors le lagon est resté fermé, hormis lors de l'occupation américaine en 1944 durant laquelle une passe aurait été ouverte au nord-est de la couronne, puis refermée avec une épave. Aujourd'hui il existe onze autres atolls fermés dans le Pacifique dont cinq dans les Tuamotu (1).

Le niveau du lagon ne présente pas de corrélation avec le niveau marin. Mais le niveau varie rapidement avec les pluies et l'on a pu mesurer en avril 2015 (PASSION 2015) une élévation du niveau de l'eau de 16 centimètres en quelques heures pendant et après deux averses tropicales de type mousson.

Bathymérie du lagon :

La bathymétrie du lagon est exceptionnelle puisque malgré sa petite taille, il présente plusieurs cuvettes de plus de 25 mètres de profondeur, certaines, comme la fosse orientale, dépassant les 40 mètres et, selon les nouvelles mesures réalisées par le SHOM dans le cadre de la misison PASSION 2015, atteint même en un point les 55 mètres de profondeur, ce qui en fait le point le plus profond connu à ce jour.

En effet, le "Trou-sans-fond" signalé sur les anciennes cartes et dans lesécrits comme ayant une profondeur inconnue supérieure à 90 mètres, n'est plus "sans fond".

La mission PASSION 2015 a levé le mystère du "Trou-sans-fond" !

La série de mesures au sondeur mono-faisceau a permis de démontrer que ce puits, ce "trou sans fond", n'était en fait qu'une cuvette d'environ 200 mètres de diamètre pour une profondeur maximale de 35 mètres et 30 à 32 mètres en moyenne, aux parois raides à subverticales et présentant en son centre un relief en forme d'éminence entre le piton et le monticule rappelant les stalagmites karstiques.


MNT de la bathymétrie de la partie orientale du lagon avec la cuvette du dit « Trou sans fond » et la cuvette orientale dite Fosse orientale (SHOM – PASSION 2015)

 

 Hydrobiologie lagonaire

Les îlots :

Le lagon est parsemé de dix petits îlots dont seulement six sont couverts d'une végétation herbacée essentiellement de cypéracées. Les plus importants sont les Îles aux Oeufs ou Îles Eggs à l'ouest du lagon, mais celles-ci ne font pas plus de 30m de diamètre. Toutefois plusieurs de ces îlots peuvent être submergés par l'élévation du niveau de l'eau du lagon, tel que constaté en avril 2015 après quelques pluies. Les îles aux oeuf, les plus hautes, avaient quasiment disparues sous l'eau au point que les fous qui y nichaient avaient dû quitter les îles.

Sans alimentation en eau de mer, hormis par des vagues de tempête franchissant la couronne à quelques endroits notamment au droit des anciennes passes, son eau est douce à saumâtre résultat de l'accumulation des eaux de pluie abondantes : 3 à 3,5g/l de NaCl en surface (chiffres en surface confirmés par les analyses d'eau effectuées sur les échantillons rapportés en 2001), 13 à 18g/l à partir de 6m ; 34,5g/l dans le "Trou-sans-fond", supérieur même au taux de 31% des eaux océaniques environnantes) ( Carsin J.L et al, 1985). Les mesures réalisées en 2015 ont montré que la salinité redevenait proche de celle de l'océan à partir de 15 mètres de profondeur.

Faune et flore du lagon : 

Sur le plan biologique, c'est un véritable bouillon de culture dont les fonds sont tapissés de sédiments organiques brun-rouge nauséabonds où les taux de sulfures des eaux sont importants et où la présence de bactéries planctoniques permet une biogenèse d'hydrocarbures qui interpelle les scientifiques. La végétation du lagon présente un important recouvrement d'algues et de phanérogames que consomment les crabes.
La mission PASSION 2015 a permis de mettre en évidence

"Les vestiges de formations coralliennes à l'intérieur du lagon (principalement composés par le genre Porites ) confirment biologiquement le lien permanent existant autrefois entre celui-ci et l'océan. Dans le lagon, le manque d'apports d'eau de mer tout comme probablement les quantités importantes de guano des milliers d'oiseaux qui vivent autour, provoquent des phénomènes d'hypoxie et anoxie évidents, responsables de la disparition de toutes les communautés biologiques qui s'y sont jadis établies avec succès, ne restant que des grandes étendues d'algues cyanophytes, organismes unicellulaires en mesure de supporter ce genre de conditions extremes". (Dra Vivianne Solis-Weiss UNAM, Mexico, Hector Reyes Bonilla, Juan Pablo Carricart Ganivet, Alejandro Granados Barba)

Lagoncloaque


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