Milieu récifal

Le milieu récifal de Clipperton

La faune et la flore associées à l'écosystème corallien de Clipperton

Texte de la Doctora Vivianne Solis-Weiss, UNAM, Mexico, de Hector Reyes Bonilla, de Juan Pablo Carricart Ganivet et de Alejandro Granados Barba
La mission récente, début mars 2005, de la Dra Solis, sur Clipperton va permettre d'actualiser cette page très prochainement grâce aux nouvelles découvertes que son équipe a faites.

Les zones sablonneuses

Les plages de Clipperton sont presque totalement composées de sables coralliens; sur les parties plus élevées on remarque des zones consolidées d'antiques terrasses formées par des squelettes de corail des genres Pocillophora et Porites , deux groupes qui, à ce jour, constituent la plus grande partie de la structure vivante du site. Cette structure fossile démontre la présence de communautés récifales dans ces lieux depuis au moins 5000 ans, c'est à dire depuis la dernière fois que le niveau de la mer fut plus haut que de nos jours. La faune des zones sablonneuses de la limite supérieure de la marée haute (zone supra littorale) où les conditions de l'environnement sont plus draconiennes (hautes températures et expositions périodiques) et qui limitent donc la présence de la plupart de organismes vivants, est constituée de populations importantes (en nombre) d'une oligochète dont l'espèce n'a pu encore être déterminée. On y trouve également quelques crustacés, des larves mégalopes de crabes brachioures, des coquilles du gastéropode Conus ebraeus et même des insectes, qui forment partie de cet intéressant biotope qui se sert des restes coralliens comme protection. La flore se compose de plusieurs espèces d'algues coralliennes incrustantes et de tapis d'algues vertes peu développés; dans les zones rocheuses nous avons aussi observé des grands exemplaires d'un crabe brachioure de la famille Grapsidae , et plus particulièrement dans la zone de déferlement des vagues.

Le lagon

Les vestiges de formations coralliennes à l'intérieur du lagon (principalement composés par le genre Porites) confirment biologiquement le lien permanent existant autrefois entre celui-ci et l'océan. Dans le lagon, le manque d'apports d'eau de mer tout comme probablement les quantités importantes de guano des milliers d'oiseaux qui vivent autour, provoquent des phénomènes d'hypoxie et anoxie évidents, responsables de la disparition de toutes les communautés biologiques qui s'y sont jadis établies avec succès, ne restant que des grandes étendues d'algues cyanophytes, organismes unicellulaires en mesure de supporter ce genre de conditions extrêmes.

Le récif externe

Peut-être est-ce en raison de son isolement extrême, de sa faible taille et de sa topographie sous-marine complexe, que Clipperton présente une faune pauvre en coraux constructeurs de récifs (à peine 10 espèces) : les atolls du Pacifique central en comptent entre 33 et 100, tandis que les zones côtières du Golfe de Californie ou d'Amérique Centrale, et même des îles océaniques comme les Galapagos (Equateur) Cocos (Costa Rica) ou Revillagigedo (Mexique), en comptent environ 20. Malgré cela, Clipperton est géomorphologiquement complètement développé et partage quelques caractéristiques avec d'autres îles de la région. Nous y avons observé un front récifal exposé à marée basse avec d'abondantes algues coralliennes incrustantes.

Au cours des cinq expéditions de plongée faites au nord-est de l'île, nous avons pu constater que les coraux entourent tout le littoral, disposés en trois plateformes: la première à 1- 3 m de profondeur, la deuxième à 20- 30 m et la troisième à 40- 60 m . La couverture corallienne sur le fond es plus importante dans le talus récifal (50-60% de la surface couverte) que dans les portions plates (10-30%). Signalons, pour comparaison, que la couverture normale dans les récifs du Pacifique oriental dépasse rarement le 30%. Cet excellent développement des coraux présents à Clipperton est probablement du à plusieurs facteurs concomitants tels que la température superficielle de l'océan (de 26° à 29°C ), la thermocline profonde (50-60m) et la très basse productivité de la zone qui font que les eaux soient très transparentes, ce qui augmente la profondeur à laquelle les coraux peuvent s'y développer.

Dans les zones coralliennes de l'océan Pacifique américain, la structure récifale est en grande partie déterminée par les « érosionneurs » (polychètes, éponges, mollusques, etc) et les corallivores (tels l'étoile de mer Acanthaster planci , et le poisson Arothron meleagris ). Le développement vigoureux de l'atoll pourrait également s'expliquer par le fait que l'abondance de tous les animaux précités est très faible, phénomène général observé à Clipperton: hormis les poissons, la faune et la flore accompagnatrice des coraux y est très pauvre, il n'y a pratiquement pas de gorgones, bivalves, gastéropodes ou étoiles de mer, si caractéristiques des zones coralliennes du monde entier. On pourrait peut-être voir ce phénomène comme une conséquence de l'isolement géographique de l'île qui rend difficile toute colonisation.

Des invertébrés observés dans la zone récifale, on peut citer comme plus importants les oursins de mer du genre Diadema , ainsi que les holothuries du genre Holothuria . Des études récentes ont montré que les populations de Diadema mexicanum habitant Clipperton ont peu de différences génétiques avec d'autres populations de cette même espèce des cotes américaines, tandis que toutes les espèces locales d'holothuries que nous avons relevées lors de notre visite, sont des colonisatrices de l'Indo-Pacifique.

Ce mélange de faunes montre bien que l'atoll de Clipperton reçoit les larves ou les adultes transportés par des objets flottants en provenance soit de l'est que de l'ouest, et s'accorde avec les théories selon lesquelles il forme un pont important pour la colonisation des espèces marines dans l'océan le plus vaste de la planète.

L'étude de la cryptofaune, de laquelle pratiquement rien n'était connu, à partir des fragments de corail mort récoltés en zone infralittorale, a montré de façon surprenante que, au lieu de trouver les polychètes dominant les autres groupes, comme il est commun d'observer dans ces habitats, ce sont les siponculides (Sipunculida ) qui sont les plus abondants, en particulier ceux du genre Aspidosiphon qui constituaient environ le 70% du total de la cryptofaune. Le second groupe est constitué par les polychètes, parmi lesquelles dominent celles du genre Eunice et les ressortissants des familles Nereididae, Phyllodocidae et Cirratulidae , actuellement en phase d'identification. Les crustacés et les mollusques sont fort peu abondants.

Les poissons

Un des aspects les plus plaisants de la plongée à Clipperton est constitué par l'abondance de poissons très actifs, de grande taille et de moeurs carnivores. Dans les eaux plus profondes et au large du bord récifal, nous avons observé des requins marteau, quelquefois en grands groupes et les requins pointe blanche typiques des environs récifaux (Sphyrna et Carcharhinus ), il y a également des poissons pélagiques (p. ex. du genre Caranx ), observés en groupes de centaines d'exemplaires, autour de l'atoll, spécialement vers le soir et à des profondeurs de 15- 30 m .

Dans la zone de forte concentration de coraux on observe une dominance de poissons prédateurs, chose peu usuelle dans le Pacifique américain, où dominent normalement les herbivores et les omnivores. A Clipperton, peut-être parce que les algues «charnues» et les tapis d'algues filamenteuses sont virtuellement absents, les carnivores tels que la murène Gymnothorax dovii , le mérou Dermatolepis dermatolepis , le « pargo » Lutjanus viridis et le poisson balliste Melichthys niger nous ont paru relativement abondants par rapport à ceux des consommateurs de végétaux.

 





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